Nous avons amorcé il y a peu une série intitulée « Variations sur un modèle connu » consacrée à la découverte « approchée » des toiles qui ornent le chœur de la petite église de Saint-Vérand (38). Ces toiles sont des copies d’œuvres de maître. Dans chaque épisode, nous choisissons un détail, au moins, que l’on trouve dans la copie saint-vérannaise et qui est absent du modèle… Ou l’inverse, puisqu’il arrive aussi que le copiste ait choisi de supprimer un élément (pour des raisons qui demandent à chaque fois une explication plus ou moins complexe). Ces variations ne sont pas rares dans les copies d’églises puisque les peintures y ont une destination particulière : elles ne sont pas destinées à la contemplation mais à la prière, les règles qui pèsent sur elles relèvent plus de la doxa religieuse que du jugement esthétique. Par contre il n’est pas rare, dans le champ artistique, que des artistes prennent pour modèle une œuvre d’art connue et l’aménagent à leur gré un peu comme, on y est habitué, les musiciens de jazz improvisent sur des thèmes créés par d’autres ou communément utilisés (des « standards). Les amateurs de peinture se souviendront qu’en octobre 2008 le Grand Palais (à Paris) avait présenté une fastueuse exposition consacrée au rapport de Picasso à ses maîtres (Greco, Goya, Manet…) permettant de visualiser certaines de ses œuvres au côté des modèles qui les avaient inspirées. Notre époque a fait de « l’authenticité » et de la « signature » des valeurs en soi oubliant, on peut souhaiter que ce soit provisoire, que l’histoire de l’art (comme l’histoire de la pensée) n’est qu’une longue suite d’emprunts, reconfigurés, réactivés, pour des contextes qui n’étaient pas ceux de leur création mais où ils pourraient avoir leur mot à dire.
Il nous plaît donc aujourd’hui d’offrir à nos lecteurs une variation, due à Élisa DN, de la très célèbre « Jeune fille à la perle » de Vermeer, connue aussi sous le titre de « Jeune fille au ruban bleu ». Détail qui, ici, a inspiré, avec une fraîcheur de regard et une légèreté dans le dessin qui respirent la liberté et la jeunesse, notre invitée… Laquelle invitée n’est pas une inconnue des lecteurs des « Cahiers de Saint-Vérand » puisqu’elle leur a déjà fourni quelques illustrations. Élisa DN a accepté de donner un coup de main au Mas du Barret, ou plutôt devrait-on dire « un coup de crayon ». Au gré de ses disponibilités et de son inspiration… Ce qui convient fort bien au Mas du Barret, où l’on a l’âme vagabonde et l’humeur primesautière. Il se dit d’ailleurs, dans les chaumières, que les fameuses « écoles buissonnières » dont chacun a entendu parler, sont gentiment cachées dans les replis vallonnés de ce quartier rustique, et ont nourri de leur prodigieux suc formateur une ribambelle de jeunes personnes qui sont ensuite allées égayer le monde et ses alentours.
Le visage, discrètement nimbé de mélancolie, de la « Jeune fille au ruban bleu » d’Élisa DN vient donc éclairer de son beau regard – aussi bleu que son foulard – et de sa subtile architecture formelle (chez Vermeer aussi le tableau est architecture !) les pages de notre site et amorce un dialogue que nous espérons long et fructueux avec les thèmes qu’on y trouve habituellement traités.
Jacques Roux