Le 4 juin 2016, l’association Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui proposait une animation à la thématique un rien austère en ce début de printemps puisqu’il s’agissait de s’intéresser au cimetière local. Il faut rappeler que cette animation s’inscrivait dans une opération régionale, baptisée « Le Printemps des cimetières », programmée à une date qu’il n’a pas été possible d’honorer en raison de circonstances particulières.
Ce « Printemps des cimetières » décalé n’en a pas moins joué le jeu : l’animation s’est déroulée en deux temps. D’abord une rencontre in situ, puis une causerie dans une salle de la mairie du village accompagnée d’une projection de photographies commentées. Michel Jolland et Jacques Roux ont tour à tour traité de l’histoire, particulièrement chargée, du cimetière de Saint-Vérand, de sa valeur symbolique et de son esthétique.
Nous publions ci-dessous un résumé nécessairement très condensé des interventions (Regards croisés) ainsi que quelques photographies montrant des détails de tombes (Les symboles : quelques aperçus).
Nous publierons en outre très bientôt, en complément, quelques photographies prises au cours de l’après-midi. Non pour l’intérêt de ces photos mêmes, mais pour le commentaire malicieux qui les accompagne. Ils sont le fait d’un envoyé très spécial dont le Mas du Barret s’est attaché les services : « le Christian ».
(Cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Samedi 4 juin 2016 , l’association Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui s’est intéressée au cimetière du village dans le cadre d’une manifesation initiée par l’organisme régional « Patrimoine Aurhalpin ». L’objectif était de faire découvrir les richesses historiques, artistiques et environnementales du patrimoine funéraire régional. Pour modeste qu’il soit, notre cimetière a trouvé sa place dans cette démarche. Ses tombes et ses aménagements portent la trace évidente des évolutions, avec le passage de la tombe de pleine terre au caveau, de la pierre au marbre, des inscriptions convenues aux épitaphes plus personnalisées. Quelques-unes de ses tombes ont d’ailleurs été répertoriées dans l’inventaire du patrimoine départemental effectué en 1999. La recherche dans certaines ornementations végétales et la mise en place du Jardin du Souvenir marquent les tendances actuelles.
Cependant, par respect et par discrétion, les deux intervenants, Michel Jolland et Jacques Roux, avaient choisi de ne pas déambuler dans les allées à la recherche de tel ou tel détail. Leurs regards croisés ont porté sur l’histoire particulière du cimetière de Saint-Vérand et sur les rapports que notre société entretient avec l’univers funéraire.
Dans le petit bout de terrain qui est aujourd’hui le cimetière du village, se trouvait l’église Saint-Victor signalée en 1315, décrite en 1635 comme pourvue d’un cimetière au nord. En 1791, on ne parle plus ni d’église ni de cimetière, mais « la chapelle de Saint-Victor » avec sa terre et son pré sont vendus comme Bien National. Dans un épisode rocambolesque comme l’histoire sait en réserver, ce bout de terrain sera au cœur d’un litige haut en couleurs au sujet du jardin du curé constitutionnel Moyroud. En 1824, le curé Simond est le premier à évoquer la nécessité d’implanter un nouveau cimetière. Celui qui existe alors entoure l’église et le presbytère, il est trop petit et menace la salubrité publique. Il faudra attendre 1832 pour que, sous l’impulsion énergique du maire Charles Decard et devant l’impérieuse nécessité de déplacer le cimetière, la commune achète le terrain Saint-Victor, dans le cadre d’une transaction qui permettra à Madame de Quinson, petite-fille du dernier seigneur du village, de reposer dans la tombe que l’on peut voir aujourd’hui contre le mur nord de l’église.
Au-delà de cette évocation historique présentée par Michel Jolland, Jacques Roux, dans un exposé conjuguant une approche universelle et des accents personnels, a attiré l’attention des participants sur le caractère très particulier des cimetières. Ce sont des lieux empreints d’une atmosphère indéfinissable qui génère spontanément le respect et le recueillement. On les nomme parfois les « jardins de pierre » car c’est à la pierre, au marbre ou au ciment que l’on confie généralement le soin de protéger les défunts et leur mémoire. Les ornements des stèles, qu’il s’agisse de croix ou de sculptures représentant des couronnes entrelacées, des fleurs, des cœurs, des poignées de mains, sont des symboles chargés de sens. Qu’on le veuille ou non, le cimetière nous rappelle notre humble condition humaine.
La manifestation s’est terminée dans la salle Paul Berret de la maison communale où la projection de plans et de détails remarquables de certaines tombes a harmonieusement complété la séquence au cimetière. Pour conclure, les deux intervenants ont souligné que l’exemple de Saint-Vérand n’est pas banal avec ses deux cimetières disparus, Saint-Victor et celui de l’église au centre du village, auquel on peut rajouter un troisième, celui de Quincivet. Cela montre bien que les cimetières ont une histoire, comptent dans la vie des communautés et parfois meurent. Ils finissent même par sortir de la mémoire collective : qui par exemple se souvient de l’église Saint-Victor et de son cimetière ?
Les symboles : quelques aperçus
(Photos Jacques Roux )
La croix : Symbole archaïque et catholique
(L’arbre cosmique)
Catholicisme militant (apparition au 5ème siècle – seul le catholicisme en fait un vrai objet de vénération)
La croix de métal surplombant la stèle est doublée d’une croix gravée sur cette stèle. Laquelle croix est d’une part inscrite dans une autre croix gravée et d’autre part cernée d’une guirlande en forme de couronne de laurier, la couronne honorifique. Les éléments composant cette guirlande sont difficiles à identifier (si tant est qu’il y ait volonté de représentation) cependant sur les côtés on peut penser à deux fruits, ou deux graines de fruits, qui pourraient symboliser la germination (de la foi), mais qui pourraient être aussi des feuilles ou des fruits qui pendent. Si ces deux figures symétriques sont difficiles, voire impossibles, à interpréter, on doit noter que le bas de la couronne est fermée par un lien, ou un nœud. La symbolique du lien / du nœud est fréquente dans les décors de tombes réalisées en ciment à Saint-Vérand. Le lien, le nœud, c’est ce qui rattache. Pôle positif : amour/fidélité même au-delà de la mort – Attachement indéfectible à Dieu. Pôle négatif : empêchement/privation de la liberté/impuissance (chez Brantôme, par exemple : avoir les aiguillettes nouées, être impuissant). Dans ce contexte : c’est la dimension positive qui est à retenir.
Enfant Jésus (Hypothèse) Ce visage surplombe une Vierge (dite de Lourdes) en prière, il est inscrit au centre de la branche horizontale d’une croix de métal, mais se trouve du coup au centre de la rencontre des deux branches et qui plus est encadré d’une figure en forme de rayons solaires.
Bouquet, ruban, nœud. Jeu des pétales autour du cœur de la fleur, image solaire. Structure géométrique des bandes de tissu reliées par un nœud. A noter : le bouquet a trois tiges.
Même type d’image. Par contre le dessin oublie la symbolique de la trinité et donne cinq tiges pour les cinq fleurs.
Fleur parmi les fleurs : la rose. Une manière peut-être d’évoquer Marie, sans la figurer vraiment.
Couronne et fleurs. Le dessin général évoque un catafalque
Mêmes symboles que l’image précédente. Les deux couronnes peuvent donner à penser que deux défunts affrontent ensemble le voyage.
L’étole, ancienne manipule, entourant la croix semble à la fois signifier le deuil et l’abandon aux messages de la religion. Les urnes rappellent la vocation du tombeau : conserver les cendres.
Comme le nœud les mains serrées signifient un attachement indéfectible, même au-delà de la mort.
Le soleil et ses rayons, éléments récurrents mais discrets.
Un élément très modern style, unique à Saint-Vérand. On peut penser à des épis stylisés, avec un soleil/fleur en son centre. On peut penser à une navette, avec la symbolique du tissu, de l’entrelacement des fils. La géométrisation joue sur les illusions de l’œil et leur rapport avec l’imaginaire.
Seule occurrence à Saint-Vérand. La dernière nuit de Jésus avant son supplice. Nuit d’angoisse et de refus de ce qui l’attend (cf. Mathieu 26.39). Episode qui rend légitime l’angoisse humaine devant la mort.