Vendredi 22 mars 2019, l’association Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui organisait la première animation destinée à recueillir des fonds pour la conservation préventive des quatre tableaux qui entourent « La Cène » dans le chœur de l’église du village. Venu en voisin soutenir amicalement la démarche de l’association, Alain Tourre, Inspecteur Général Honoraire de la Police Nationale, a prononcé une conférence sur le thème « 1965-2000, Histoires de Police Judiciaire ». Dans un exposé bien construit et bien mené, il a harmonieusement conjugué un aperçu sur les origines et les évolutions de la police judiciaire, un panorama des affaires qui ont marqué le 20e siècle et l’évocation de son parcours professionnel.
En France, l’insécurité se développe au début du 20e siècle. Les « Apaches » parisiens, les « bandits du Nord » commandés par le « capitaine Pollet », les « chauffeurs de la Drôme » qui séviront jusqu’à Saint-Lattier dans l’Isère, et un grand nombre de malfrats de tous poils commettent méfaits sur méfaits dans les villes et les campagnes. La presse se fait largement l’écho de la situation et l’opinion publique s’inquiète. Georges Clémenceau, alors Président du Conseil des ministres et ministre de l’Intérieur, va habilement exploiter ce contexte d’instabilité et de danger pour doter la France d’une police « chargée de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits ». Deux décrets de 1907 posent les bases de ce qui deviendra la Police Judiciaire, la PJ comme on dit familièrement, en créant douze brigades de police mobile, les fameuses « brigades du Tigre ». Depuis les décrets fondateurs de 1907, les structures et les missions de la PJ ont évolué en permanence pour s’adapter aux changements du contexte national et international. Il suffit pour s’en convaincre d’observer le récent renforcement de la lutte contre la cybercriminalité et surtout la vigilance et les moyens consacrés quotidiennement à la lutte anti-terroriste. La ronde des sigles qui au fil du temps a accompagné ces évolutions est impressionnante…
De nombreuses affaires de police judiciaire ont marqué le 20e siècle et beaucoup d’entre elles restent inscrites dans la mémoire collective. Pour en citer quelques-unes, on rappellera la traque de la « Bande à Bonnot » en 1912, la lutte contre l’espionnage allemand pendant la première guerre avec l’affaire Mata-Hari, l’arrestation de Landru, le « barbe bleue de Gambais » en 1919. Plus près de nous, le vol des bijoux de la Bégum au Cannet en 1949, l’arrestation d’Émile Buisson dit « l’Insaisissable » en 1950 et l’enlèvement du petit Éric Peugeot en 1960 ont défrayé la chronique. La retentissante affaire Marcovic, qui débute en 1968 par la découverte du corps de Stevan Marcovic, « homme à tout faire » d’Alain Delon, aura une dimension politique avec l’apparition de rumeurs visant à empêcher Georges Pompidou d’accéder à la magistrature suprême. En mars 1973, le criminel Jacques Mesrine est arrêté une première fois « en douceur » par l’équipe de la PJ de Versailles. En 1975, c’est l’enlèvement à Lyon du petit Christophe Mérieux, âgé de 9 ans et, toujours à Lyon, l’assassinat du juge Renaud, un événement auquel Alain Tourre consacre une attention particulière avant d’évoquer d’autres affaires ayant mobilisé la PJ au siècle dernier.
Tout jeune officier de police adjoint nommé au Service Régional de Police Judiciaire (SRJP) de Reims en 1965, Alain Tourre a gravi tous les échelons et a vécu des expériences professionnelles diversifiées. Il a notamment été sous-préfet chargé de la lutte antiterroriste auprès du Préfet des Pyrénées Atlantiques, a dirigé le SRPJ de Versailles et celui de Marseille, a été chargé d’importantes missions auprès d’organismes nationaux ou internationaux. Cela lui vaudra d’être promu Inspecteur Général des services actifs de la Police Nationale en 2001. De cette vie professionnelle toujours exigeante, et parfois dangereuse pour lui comme pour son épouse, Alain Tourre retient d’abord le souvenir de l’esprit d’équipe, de la solidarité, de l’engagement partout rencontrés dans cette grande maison qu’est pour lui la Police Nationale. Il savoure toujours la satisfaction des opérations, grandes ou petites, marquées par la réussite. Mais il garde aussi en mémoire ce qu’il appelle « des coups au cœur » : les images difficiles de crimes odieux sur de jeunes victimes innocentes. Alain Tourre évoque sa carrière professionnelle avec une telle passion que l’on a peine à imaginer qu’elle appartient au passé. Il le dit lui-même avec humour « Vous avez pu le constater dans mes propos : je me suis pleinement engagé dans ce métier… et je n’en suis toujours pas vraiment sorti ! ».