Nous sommes toujours au Barret, dans la période qui va de la fin de la guerre 1939-45 au début des années 1970, dans l’une des plus vieilles maisons du hameau, chauffée exclusivement par une unique cheminée largement ouverte sur la pièce principale et … sur les cieux. Le « feu » est un souci quotidien, en hiver bien sûr, mais aussi en été car il est indispensable pour cuire les aliments.
Tuzer le feu
Cette expression est probablement dérivée, sous une forme dégradée, de « tison, tisonner », peut-être par l’intermédiaire de « attuzer ». Elle signifie remuer les bois ou les braises pour attiser le feu. Et ceux qui en faisaient une petite manie, s’entendaient sèchement dire : « Arrête donc de tuzer ce feu ! »
Le tuzon
Mot lié au précédent avec deux significations complémentaires, le tuzon, désigne le coin de la maison – au sens de pièce de vie qui sert à la fois de cuisine et de salle à manger – où l’on stocke les branches ou brindilles destinées à l’allumage et le bois de chauffage pour que tout cela « prenne le sec » avant d’être « mis à la cheminée », d’où l’expression « prendre du bois au tuzon ». Il désigne également l’âtre, ainsi « rester au tuzon » signifie « rester devant le feu, au coin du feu ». On l’employait parfois avec une nuance de reproche – tu ne vas quand même pas passer ta journée au tuzon ! – ou de regret : « j’étais mal fichu, je suis resté au tuzon tout le jour… »
Faire un feu de ralée
Dans notre souvenir, cette expression signifie pousser le feu de manière exagérée. Un feu de ralée est un feu puissant et sonore qui remplit toute la cheminée et dont les flammes grimpent anormalement haut dans le conduit. Ce feu puissant n’est pas justifié, il est démesuré par rapport aux besoins, il est inutilement consommateur de bois. Il est aussi dangereux et menaçant car il risque à tout moment de « mettre le feu à la cheminée ». Tout est dit dans ces mots entendus mille fois O lé mais tyié avu son feu de ralée (O la pas bienteu fini avu son feu de ralée) ? E jeuste bon a chauffa le uzè ! O finira bin pe metta le feu à la cheminée ! Mots qui signifient, approximativement « Il est encore en train de faire un feu de ralée (C’est pas bientôt fini ce feu de ralée) ? Ca sert juste à chauffer les oiseaux ! Il finira bien par mettre le feu à la cheminée ! ». A noter l’usage de la troisième personne du singulier (il, elle) en lieu et place du « tu » ou du « vous » habituel. Mais ceci est une autre question…
D’où peut bien provenir cette expression ? Nous risquons une hypothèse : serait-ce une déformation de feu de ramée ? Le feu de ramée est une figure classique de la poésie occitane (Et qu’elles sont gentilles, les soirées, Madame, quand le feu de ramée pétille et que vous êtes assise dans votre joli salon…). C’est un feu clair et vif qui réchauffe les corps et les cœurs. La ramée désigne des branches d’arbres coupées garnies de leurs feuilles pour servir au chauffage ou, plus couramment dans nos campagnes, pour servir à la nourriture des animaux. Au Barret on disait « faire la feuille » ou tout simplement « faire des fagots pour les chèvres ». Ces fagots, principalement de mûrier et de peuplier, étaient mis à sécher dans un espace couvert et aéré – la soupente – puis, dans l’hiver, ils étaient distribués aux chèvres attachées à leurs piquets et aux lapins par tradition laissés en liberté dans l’écurie. Très vite il ne subsistait que des branches dégarnies de leur écorce, blanches comme des squelettes. Après un séjour au tuzon où elles finissaient de sécher, ces branches servaient « à allumer la cheminée ». En tout cas, qu’elle aille directement à la cheminée ou qu’elle soit utilisée après que les chèvres et les lapins aient prélevé leur part, la ramée bien sèche, très combustible, donnait un feu vif et ronflant. Un feu de ralée ?
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