Par Michel Jolland
Nous apprenons avec tristesse le décès de notre ami et compagnon de route associatif Maurice Champon. Sa vie bien remplie, notamment par son engagement au long cours dans diverses activités au service de tous dans son cher village de Varacieux, ne peut se résumer en quelques lignes. Et ce d’autant moins qu’il savait rester modeste. Après l’avoir cotoyé pendant plus de dix ans au sein de l’association Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui, il aura fallu attendre le repas amical de l’Assemblée Générale de février 2020 pour, au détour d’une conversation lancée par d’autres sportifs présents à table, découvrir qu’il avait participé au marathon de New-York ! Il n’était pas pour autant renfermé ni secret : il évoquait volontiers les bals quelquefois agités de sa jeunesse, la terrible épreuve de la guerre d’Algérie, le temps qui passe et tout ce qu’il emporte avec lui et, conséquence à ses yeux non seulement logique mais essentielle, la nécessité de sauvegarder le parler, les savoir-faire et les objets du monde agricole et rural d’autrefois. Une mission dans laquelle il s’investira sans compter. Juste retour des choses : l’inauguration, le 13 octobre 2018, de l’écomusée des objets d’antan à Varacieux viendra consacrer, et de la plus belle des manières, le résultat d’années d’efforts et de ténacité.
Mais Maurice n’était pas homme à se laisser griser par les honneurs. C’était un compagnon généreux, authentique, proche de la nature qui avait forgé son caractère et dont il connaissait chaque secret. Son souvenir restera pour nous attaché à deux traits de sa personnalité. Tout d’abord, il aimait la vie associative et il savait ce qu’elle pouvait apporter – et demander en retour. De sa longue expérience, il avait tiré un précepte simple que son franc-parler naturel l’amenait à rappeler de temps à autre : « dans une association chacun apporte ce qu’il sait ou sait faire et on est tous au même niveau ». Par-dessus tout, il mettait un point d’honneur à participer aux réunions et aux activités des multiples associations dont il était partie prenante. A son grand regret, c’était loin d’être toujours possible : « je ne peux pas être partout en même temps ! » s’excusait-il… Maurice était aussi la mémoire précieuse des traditions et du patois de chez nous ainsi qu’un remarquable ambassadeur des savoir-faire ancestraux de nos campagnes. Certes c’était un homme de la terre, mais cela n’expliquait pas tout. Il avait su aussi faire preuve de curiosité, d’observation et de réflexion pour se constituer un irremplaçable ensemble de connaissances et l’art de les transmettre.
Maurice en effet avait le don non seulement de faire découvrir des objets et des traditions d’autrefois mais aussi la faculté de les replacer dans leur contexte, celui d’un monde aujourd’hui disparu qu’il évoquait parfois avec une certaine nostalgie et un brin de fatalisme. Le 3 avril 2019, sous une pluie battante et par un froid glacial, un groupe de jeunes de 11 à 13 ans était rassemblé sous un appentis du Château de Quincivet, pour une animation dans le cadre du « Projet Candelous – Patrimoine et tradition rurale » mis en place par le Service Jeunesse de la ville de Vinay. Ils assistèrent ce jour-là à trois séquences mémorables : la confection de paniers en bois présentée par Christian Pevet, le rebattage de la faux, démonstration emblématique du répertoire de Maurice, et une saynette en patois jouée par les deux compères sur le thème du « chapardage de noix tombées sur la limite » entre deux champs de noyers contigus ! La journée donna lieu à un reportage photographique réalisé par un professionnel. Il tira ce jour-là le portrait d’un Maurice pensif et souriant, une image qui fige un bel instant et que l’on voudrait conserver dans nos mémoires.
Notes
Le portrait en noir et blanc a été réalisé le 3 avril 2019 par Philippe Rinjonneau, photographe auteur à Saint-Marcellin (38160) http://rjono.netfolio.net/
La photographie de groupe, prise le même jour, appartient à l’auteur.