Par Michel Jolland
Parce qu’elle revêt une forte signification symbolique pour les chrétiens, l’orientation à l’est du chœur des églises est souvent présentée comme canonique, voire réglementaire. Faut-il en conclure que c’est toujours et partout le cas ? Un simple coup d’œil sur les photographies aériennes de quelques localités proches de Quincivet nous permettra d’en juger. Les photographies proposées ici sont des copies d’écran effectuées à partir du site Géoportail dans un but documentaire. Sur la proposition judicieuse d’un fidèle lecteur, une croix rouge a été ajoutée pour indiquer l’emplacement du chœur. Nous trouvons deux exemples remarquables d’orthodoxie dans le périmètre qui nous occupe : l’abbatiale de Saint-Antoine l’Abbaye et l’église de Murinais sont en effet orientées plein est. Un peu plus loin, à Romans, la collégiale Saint-Barnard présente la même caractéristique. D’autres églises s’en rapprochent beaucoup comme celles deTêche et de Saint-Lattier les Fauries.
Le plus fréquemment, l’axe varie de quelques degrés vers le sud ou le nord. Ansi l’église de Saint-Vérand est-elle légèrement dirigée vers le sud-est. Plus ou moins marquée, cette orientation sud-est se retrouve à Beaulieu, Dionay, L’Albenc, Saint-Jean le Fromental, Varacieux et en bien d’autres lieux. A l’inverse, quelques églises sont plus ou moins fortement dirigées vers le nord-est. C’est le cas, modérément, à Chevrières, Cognin, Saint-Marcellin, Saint-Sauveur, plus fortement à Notre-Dame de l’Osier où le choeur de l’église pointe nettement dans une direction nord-est. A Vinay c’est par l’ouest que cette proximité avec le nord s’établit.
Notons enfin deux cas atypiques : le chœur de l’église de Bessins est assez nettement dirigé vers l’ouest alors que celui de l’église de Chatte pointe pratiquement au nord.
Le moins que l’on puisse dire est que la diversité règne en matière d’orientation des églises que nous voyons aujourd’hui. Voilà qui incite à relativiser les interrogations sur le positionnement potentiel de celle de Quincivet. Nous savons que les données fournies par le litige intervenu en 1790 entre le curé et les autorités municipales du lieu amènent logiquement à orienter l’église au nord. Etait-ce totalement exclu au XIIe – ou, au plus tard, au tout début du XIIIe – siècle lorsqu’elle a été érigée ? La question reste ouverte. Ce qui est sûr en revanche c’est que pendant longtemps les points cardinaux intermédiaires n’ont pas été d’usage courant. Jusqu’au XIXe siècle les confins des parcelles ou l’orientation des bâtiments sont désignés par ce qui est perçu comme la direction dominante : le nord (« bise »), le sud (« vent » ou « midi »), l’est (« levant »), l’ouest (« couchant »). Autrement dit à Quincivet en 1790, pour celui qui rédigeait le procès-verbal de constat formant la pièce centrale du litige, le nord pouvait très bien être le nord-est ou le nord-ouest. L’avenir devrait nous le dire bientôt : Lionel Darras, ingénieur CNRS en instrumentation géophysique (UMR51-Archéorient Lyon), met la dernière main à l’analyse des données issues des prospections géophysiques conduites sur place au cours de ces dernières années.
Articles précédents :
L’énigme de l’église de Quincivet à Saint-Vérand (7 mars 2021) http://www.masdubarret.com/?p=1822
L’église de Quincivet ferait-elle perdre le nord ? (14 septembre 2021) http://www.masdubarret.com/?p=2353