Jacques Roux
Les plus âgés d’entre nous, et les moins snobs, se souviendront en lisant l’amorce de mon titre d’une chanson mélancolique de Charles Trénet qui se demandait ce qu’était devenue « depuis les années 16/ la Madelon jolie… ». Il y distillait, avec son sourire et sa plume légère, un constat déjà terrible en son temps (la fin des années 50) l’oubli non seulement de cette complainte mais aussi des circonstances qui en avaient suscité l’écriture : la « grande guerre », et tout ce qui donnait sa couleur au temps d’alors. Que dirait-il aujourd’hui ? La plupart de nos contemporains pensent que l’histoire humaine débute avec le Smartphone et celle de la musique avec You Tube.
Dans sa chanson sur la Madelon, Charles Trénet se demandait ce qu’était devenue, « depuis les années 16 », celle qui avait mission de redonner aux Poilus de 14/18 le courage qui pouvait (légitimement) leur manquer :
A-t-elle toujours les yeux
Étonnés d’être si bleus
La taille à l’aise
A-t-elle toujours ce geste
De la main un peu leste
Pour dire sois sage
Il y énonçait un constat déjà terrible en son temps : l’oubli non seulement de cette complainte mais aussi des circonstances qui en avaient suscité l’écriture : la « grande guerre », et tout ce qui donnait sa couleur au temps d’alors :
Vision de ces images
Qui furent celles d’un bel âge
Et qui s’effacent
Le feu sur un toit d’chaume
Et l’Empereur Guillaume
Comme le temps passe
On efface tout
Que dirait-il aujourd’hui quand, de la mémoire populaire, ont disparu non seulement sa personne et la myriade de chansons poèmes qu’on lui doit, mais la guerre, les guerres, et cet univers à nul autre pareil dans lequel il s’était éclos, lui qui d’abord fut peintre, ami d’écrivains, de poètes, d’artistes de tous bords : la chanson française ? Ou plutôt : la chanson de langue française, puisque certains de ses grands auteurs viennent d’ailleurs, comme (liste bien entendu non exhaustive) les Belges Arno et Brel, le Grec Moustaki, le Suisse Eicher, les Québécois Vignault, Leclerc, Charlebois, Dufresne… Comprenons-nous bien, je ne dis pas que cette chanson est morte, non, elle reste vivace, Souchon, Cabrel, Sanson, Voulzy, pour ne citer d’abord qu’eux, ont pris la relève des Barbara, Brassens, Brel, Ferré, Gainsbourg, Moustaki, Perret. Sachant que, comme celui de leurs aînés, leur renom ne doit pas éclipser tous ceux qui continuent d’irriguer ce prodigieux torrent d’auteurs, compositeurs, interprètes qui, pour avoir déserté les cabarets où se produisaient autrefois les chanteurs débutants, ont adopté d’autres stratégies : l’omniprésente télé, les émissions dédiées (Star Ac et autres), et maintenant les « réseaux », nouvelle gangrène sociale, porteuse parfois, c’est le cas ici, de quelques frissons positifs. Non, la chanson existe encore, mais la défense de sa mémoire (son histoire, ses trouvailles, les êtres qui la nourrirent de leur créativité) reste malheureusement sporadique et globalement peu porteuse. Or à mon sens, autant que les arts plastiques dont les Musées se multiplient, autant que la « grande » musique honorée dans les opéras, les salles de concert, la chanson devrait être considérée comme une composante obligée de notre culture. Avec cette dominante, qui sans doute explique le dédain que manifeste à son encontre une majorité de, disons « intellectuels » pour faire court, elle est la seule de toutes les créations artistiques à innerver les milieux populaires. En France disait-on il y a encore une cinquantaine d’années, tout finit par des chansons. Aujourd’hui tout finit par une manif, et la castagne a remplacé le refrain entêtant.
Sauver ce qui peut l’être
L’envie de chanter la chanson, si j’ose la formule, est née lentement en moi. D’abord quand je me suis aperçu que mes petites filles, loin d’être incultes, bien au contraire, pouvaient ignorer jusqu’au nom de Brassens, ne parlons pas alors de Ricet-Barrier (La servante du château : « Changement d’herbage réjouit les veaux, qui sera l’invitée du château, c’est moué »), Pierre Vassiliu (« Qu’est-ce qu’il fait ? Qu’est-ce qu’il a ? Qui c’est celui-là ? »), ou Joël Holmès (« Je m’appelle Martin, Jean-Marie, de Pantin et je t’aime ») dont les parents étaient morts en camp de concentration. Au-delà du nom emblématique de Georges Brassens, c’est toute la chanson française qui était absente du patrimoine culturel qu’elles étaient en train de se construire, où voisinaient Rimbaud, Michaux, Van Gogh, Rothko, et les grands du Théâtre et du Cinéma… Plus tard, à l’occasion d’une conversation sans apprêt avec de jeunes voisins, elle orthophoniste, lui informaticien de haut-vol, free-lance, apprenant qu’ils rentraient de Toulouse où vivaient les parents de la Dame, je leur demandai bêtement si l’ombre de Nougaro y chantait encore sa « ville rose », sa « Cité gasconne ». Silence gêné. Nougaro, pour citer Vassiliu : qui c’est celui-là ? Pour ces générations, le rap (au mieux !) a pris la place de la chanson dans l’usage quotidien. Mais qui fredonne du rap sous la douche ? Qui chantonne du rap dans la rue, en travaillant ? Qui ? Le rap je l’entendais vingt fois par jour dans mon ancien quartier albenassien, Les Oliviers, chaque fois qu’un véhicule le traversait à tombeau ouvert, vitres baissées, sono plein tube. Mais je ne l’entends plus, ni moi ni personne, comme autrefois, dans la rue, sur les chantiers, sur les toits quand œuvraient des couvreurs, tous à tue-tête reprenant l’air à la mode du moment. On ne chante plus dans nos rues, on ne chante plus dans les ateliers, les garages, ni même à la maison.
Si, à la maison, Mamie fredonne encore à l’occasion « Moi si j’étais un homme » de Diane Tell (Québécoise) ou « Les Champs-Elysées » de Joe Dassin. Et, nostalgie, « Dans les bals populaires » que chantait Michel Sardou, chacun en se collant à son ou sa partenaire savait identifier quelle chanson de quel artiste l’accordéoniste reprenait la mélodie.
La mélodie, oui.
La mélodie, c’est un problème ! Un problème à géométrie variable. L’amateur pointu de musique méprise le mélodique : l’essence de la musique, n’est-ce pas, elle est ailleurs, au-delà ou en-deçà de ce qui fait vibrer le cœur et l’âme du populo. Les « grands » poètes de la fin du vingtième siècle, un certain en particulier que je ne citerai pas, se sont aussi gaugés d’elle car, dans le texte poétique, elle ne ferait qu’abaisser la jauge de la créativité, « la ramènerait au stade, osons le mot, il va nous empester la bouche, de la chansonnette ». La poésie, la pure, l’essentielle, elle est au-delà, en-deçà (bis repétita placent) du « mélodieux » : ce qu’elle vise n’est pas là pour faire trembler la corde sensible… Alors, adieu Ronsard, adieu Apollinaire, adieu Eluard ou Prévert, ouvrons la voie à l’obscur, l’impénétrable, l’ésotérique. Et perdons en chemin l’âme sensible qui pleurait le soir en lisant Paul Géraldy.
Le rap, quant à lui, privilégie le message. Oh ! J’entends la rumeur : « les temps ont changé, vieille barbe, faut sortir de ta naphtaline ». Mais je sais aussi bien que quiconque (peut-être ! tout dépend de qui est « quiconque ») ce qu’il peut y avoir de fort, de prenant, dans certains titres (sachant que j’écarte systématiquement de mon oreille tout ce qui n’est que tissu haineux). Il me souvient, à l’époque de Supreme NTM, d’avoir avec mes élèves passé du temps à explorer le contenu, poignant, et la forme, entêtante, du tubesque « Laisse pas traîner ton fils ». Il y a peu c’est, dans un tout autre registre, le « Tiki Taka » de Vacra qui m’a séduit au grand étonnement d’une de mes –précitées– petite fille, (« T’es ma locomotive, tchou tchou, Baby », pour ceux qui connaissent) et je suis convaincu que si le rap a un avenir c’est du côté de créateurs de ce type qu’il le trouvera. Parce que, tout en usant d’une langue qui mêle (plus qu’habilement) le jargon « djeune », la langue française et tous les échos dans le parler populaire des effets de mode, des influences étrangères, Vacra se dote d’un langage qui devient sa marque et l’arrache au tout venant. Sans compter une souplesse mélodique qui fait défaut à la plupart des hérauts du rap urbain agressif, et une tessiture de voix qui range au rang des archaïsmes ridicules la virilité muscles et pétards de la plupart des gosiers qui, escortés de leurs chaînes, bijoux, montres, grosses bagnoles et danseuses à croupe bombée, nous gavent à longueur de journée.
Luc Bérimont
La fine fleur
J’ai souvenir, on était sans doute dans les années 60, d’une émission que je n’aurais manquée sous aucun prétexte « La fine fleur de la chanson française » de Luc Bérimont, lui-même poète et auteur de chansons. Le type d’émissions qu’on n’ose même plus rêver aujourd’hui sur les radios publiques. Ici se succédaient toutes les voix possibles et imaginables, porteuses de rêves, d’humour, de mélancolie, sombres ou flamboyantes. J’appréciais l’éclectisme du présentateur, qui n’hésitait pas à accoler André Claveau (« La petite diligence/ sur les beaux chemins de France »), qui avait le défaut d’être aimé par le grand public, à Ferré, lequel n’était pas encore le Grand Imprécateur qu’il devint magnifiquement, mais, déjà, mettait Apollinaire en musique (« Sous le pont Mirabeau coule la Seine/et nos amours ») ou apportait toute sa gouaille à sa vision d’un Paris canaille (« Paris marlou/aux yeux de fille/ton air filou/tes vieilles guenilles/et tes gueulantes/accordéon/ça fait pas de rente/mais c’est si bon »). L’occasion encore d’entendre Juliette Gréco : « T’es toute nue sous ton pull/y a la rue qu’est maboul/ Jolie Môme »), du susdit Ferré, et Colette Renard, Colette Magny (« Melocoton et Boule d’or/deux mômes dans un jardin/ Melocoton elle est où Maman/J’en sais rien, viens donne moi la main/Pour aller où ?/J’en sais rien/Viens, donne moi la main »). L’occasion surtout de prendre conscience de l’infinie richesse de ce terreau : les auteurs, les compositeurs, les interprètes, et les racines dans lesquelles plongeaient leur inspiration, leurs références, leurs modèles parfois. A travers eux on retrouvait, on sentait, un fourmillement qui remontait à Villon (si vivant dans le surgissement bourru de Brassens à ses débuts) plus loin peut-être même, j’étais si ignorant et le suis tant encore mais savoir ne suffit pas : dans ce type d’affaire c’est le corps qui entend, qui reprend, qui répond, qui va chercher lui aussi dans les tréfonds de son histoire de corps, où s’entremêlent les ancêtres, les cauchemars, la pulsion amoureuse, ce qu’il faut pour avoir envie de crier de joie, rire, sinon (on se retient bien sûr) pleurer.
A la même époque je découvrais à travers le discours de mon prof de philo, un étrange oiseau noir du nom de Jacques Gemin, la poésie de Paul Valéry, celle des surréalistes, une plongée à la fois fastueuse et labyrinthique dans des univers incontrôlés, incontrôlables, mais qui, en rien, n’invalidait ce que la chanson m’apportait et m’apporte toujours. C’est pourquoi, au bout de mon âge (comme l’écrit Aragon « Vivre est un village/Où j’ai mal rêvé/Je me sens pareil/Au premier lourdaud/Qu’encore émerveille/Le chant des oiseaux ». Qui n’a pas lu Aragon reconnaîtra néanmoins ces vers mis en musique par Ferrat) au bout de mon âge, donc, j’en suis encore à m’étonner et me scandaliser que la Poésie, celle qui se vend chez les libraires sous couverture labellisée, soit enseignée à l’école, révérée même par le moins sensible des pseudo intellectuels qui babillent dans les micros, et pas la chanson.
La chanson qui glisse son museau sous toutes les portes, fait rêver la Maman dans sa cuisine, le Papa dans son jardin (j’adore ces clichés susceptibles de provoquer l’ire des anti-sexistes, mais qui tiennent de l’image d’Epinal et, comme elle, créent alentour une quiète sensation de paix, de tranquillité : « Et bailler et dormir /Certains courent après la vie/Moi la vie me court après » chantait Eddie Constantine, paroles signées Charles Aznavour). Oui s’il est un art dont le pouvoir ne se limite pas à être apprécié par les plus instruits, sinon les plus maîtres de leur temps et de leur destin, c’est bien la chanson. Aussi loin que je me souvienne, et la plupart des personnes qui me liront ici se reconnaîtront, j’ai entendu ma mère, mon père, ma sœur, mes voisins, marmonner sinon chanter vraiment, qui « Moulin des amours/Tu tournes tes ailes/Au ciel des beaux jours », musique de Georges Auric, s’il vous plaît, paroles de Jacques Larue, qui « L’amour est un bouquet de violettes » popularisée par le divin Luis Mariano, musique Francis Lopez, compositeur de toutes les opérettes à succès des années 50 à 60 (autre domaine méprisé par la gente culturelle !). Il y avait là de vraies pépites, des chants de Noël, des chants d’amour, très, très sage, des appels à la fraternité comme le célébrissime « Si tous les gars du monde décidaient d’être copains/Et partageaient un beau matin leurs espoirs et leurs chagrins ». Musique de Georges Van Parys, pas n’importe qui non plus, et paroles de Marcel Achard, auteur en renom de théâtre et Académicien. Lesquels savaient fort bien qu’ils mettaient leurs pas dans ceux de Paul Fort : « Si toutes les filles du monde/Voulaient se donner la main/Tout autour de la mer/Elles pourraient faire une ronde/Si tous les garçons du monde/Voulaient bien être marins/Ils feraient avec leurs barques/Un joli pont sur l’onde. »…Parce qu’entre la poésie des vrais poètes, gens plus simples que la Littérature voudrait bien nous le laisser entendre, et la chansonnette, il existe plus qu’un joli pont sur l’onde : plein, plein, de ponts. Ce que comprirent les Compagnons de la Chanson, qui firent connaître la chanson ci-dessus évoquée et tant d’autres que tout un chacun connaissait (comme « Mes jeunes années », « Le prisonnier de la tour »…etc.).
Les compagnons de la chanson
Bricoleurs et équilibristes
Soyons francs : chanter les louanges de la chanson ce serait délicieux si nous étions tous autour de la table, à entonner de l’Aznavour, du Fugain, du Henri Tachan, du Nougaro « Marie-Christi_I_ine », mais ce n’est pas le cas. Je suis tout seul ici avec ma machine à écrire et certains se demanderont pourquoi cet article n’est pas accompagné d’extraits sonores… Qu’ils sachent que je le regrette, mais nous sommes, au Mas, une toute petite boutique vivant chichement sur ses fonds. Les droits d’auteur, les contrats ceci-cela, n’est-ce pas, ce n’est pas pour nous. De même que la chanson, si elle a droit aux flons flons de la télé pour ses émanations parfois les moins sincères (avec éclairages dingues, chorégraphies ravageuses), n’existe vraiment que sur scène dans un rapport étroit entre l’interprète et son public, ou sur disque, son refuge : seule à seuls, la chanson, les écoutants. Ce qui me donne l’occasion de préciser que la chanson est à la fois un art d’équilibristes et de bricoleurs ingénieux. Car il faut non seulement jouer des mots mais aussi des notes, et la réussite n’est au rendez-vous que si les mots et les notes se coulent amoureusement dans le même lit (je pense au flux d’une rivière, mais..). On se souviendra peut-être qu’Alain Chamfort avait écrit la musique qui devait devenir celle de sa troublante et enveloppante Manureva (« Où es-tu Manu Manuréva/Bateau fantôme toi qui rêvas/Des îles et qui jamais n’arriva/Là-bas ») mais il ne trouvait pas le verbe qui l’aurait enchantée et se serait enchantée d’elle. Il fit appel à Gainsbourg, qui lui proposa un texte, qui collait mais… ne magnifiait pas. Retour à la case départ, Gainsbourg grognon, soudain touché par une info émouvante et ce fut le texte magnifique que nous connaissons mais que nous ne saurions détacher de son support musical (comme toutes les chansons de Brassens, Cabrel, Souchon, Cohen que j’enrôle volontiers à leurs côtés bien qu’il ait enrichi, lui, la langue anglaise). Les grandes chansons ne sont pas nécessairement sorties toutes armées, comme Athéna, d’un seul dieu créateur. Ils sont souvent plusieurs, parolier, compositeur, orchestrateur, voire « arrangeur » et interprète. Sachant que l’interprète n’est jamais neutre (même s’il n’est pas « auteur »). Quelles que soient les signatures des œuvres qu’il chanta (comme l’illustre Boris Vian) Serge Reggiani les ennoblit chacune de sa prodigieuse gestuelle, de son regard, tout un jeu minimaliste d’apports corporels sans lesquels (quand on eut la chance de l’entendre et voir sur scène) on ne peut plus écouter le chant sans le visualiser, lui (« Les loups/ OU OU OU – mouvement sec de tête – sont entrés dans Paris… » chanson écrite par Albert Vidalie sur la musique de Louis Bessières).
Serge Reggiani
Un art pour les pauvres et les riches
Parfois cet apport tient à d’infimes détails. Ainsi, dans Le soldat rose 2 (paroles Pierre-Dominique Burgaud, musique de Francis Cabrel), Nolwenn Leroy chante « Bleu », mélange de mélancolie, d’errance rêveuse, obstinée mais craintive. Il y a ce refrain : « bleus/les yeux des princesses/bleue/la mer qui paresse/le long des plages pâles/ bleu/comme le beau Danube/bleue/la gouache dans les tubes/ de Matisse ou Chagall », or sur le mot « Chagall » la voix, dont on connaît la suave musicalité, semble craquer comme brisée par l’émotion. Ce n’est rien, juste un léger nœud, une faille, comme si le trait, jusqu’ici sereinement lancé dans le bleu du ciel, se repliait sur lui-même, ébloui par le Beau. Ce n’est rien mais c’est tout le mystère de cet art que Gainsbourg nommait « mineur » parce qu’il s’était, comme Trenet, d’abord rêvé peintre, mais qu’il contribua lui aussi à confirmer comme majeur avec ses trouvailles rythmiques et langagières. Un art accessible à tous, en tous lieux, rues poisseuses de misère transcendées par la voix d’Edith Piaf, ciel lourd et gris d’où surgit le désir de partir « allons, viens » dans cette caravane imposée par le destin, flèche lumineuse et cruelle trouant la vie du jeune Raphaël.
Un art pour les pauvres et les riches, riches parfois de leur seul espoir, comme ce « pauvre Rutebeuf » transfiguré par Léo Ferré (« L’espérance de lendemain/Ce sont mes fêtes »). Un art, c’est-à-dire la trace tour à tour creusée d’angoisse ou de chagrin, ou légère, primesautière (« T’avais mis ta robe légère/Moi l’échelle contre un cerisier/T’as voulu monter la première/Et après… » – Cabrel) laissée par un humain, un jour, un soir, quand le besoin se fait trop fort d’être, vraiment, et plus, et mieux. Autre… Avec encore et toujours – et nous en resterons là – l’espoir du « miracle », comme le glisse, tout en légèreté et profondeur le final de la chanson que je viens de citer : « A la vitesse où le temps passe/Le miracle est que rien n’efface l’essentiel/Tout s’envole en ombres légères/Tout sauf ce goût de fièvre et de miel ».