Par Jacques Roux
Si la notion de patrimoine s’est imposée sans trop de difficultés ces dernières années, c’est tout à la fois parce qu’elle répond à un désir partagé par beaucoup, celui de préserver des éléments du passé qui paraissent essentiels, et qu’elle le fait en faisant plus appel à nos sens, la vue en particulier, et à notre affectivité qu’aux exigences de rationalité de la science historique. D’une certaine façon, quand on s’occupe de patrimoine, l’histoire se met au service de la passion et n’intervient (comme toutes les autres sciences susceptibles d’apporter leur concours) qu’en second, à titre de complément, ou de justification.
Encore faut-il que « quelque chose » soit à mettre sous la dent de l’amateur de patrimoine. Les grandes cités, comme Paris, les lieux marqués par l’Histoire (Waterloo, le Vercors, par exemple) ont toujours une matière digne d’éveiller la curiosité, l’intérêt et le souci de préserver. Ailleurs, dans un petit village comme Saint-Vérand, 38, il n’y a pas de patrimoine constitué, donné a priori, pas de tour Eiffel, de ruines rappelant des événements majeurs. Il faut alors prendre son cahier d’écolier, son crayon et faire surgir de l’ignorance et/ou de l’indifférence dans lesquelles ils dorment ces « Objets » qui sont appelés à devenir le « patrimoine », la richesse, du lieu.
D’où le souci de revenir sans cesse sur ces matériaux négligés depuis longtemps et que le Mas du Barret considère comme de purs joyaux : les cinq tableaux qui ornent l’église du village depuis plus d’un siècle, la sculpture créée par Duilio Donzelli, les photographies prises pendant cinquante ans par Noël Caillat. Entre autres. Aujourd’hui nous retournerons à l’église (seul espace public de ce petit village, dépourvu de tout lieu culturel digne de ce nom, riche d’objets « d’art ») pour jeter un œil au Chemin de Croix qui y est hébergé. Lui aussi, comme les grands tableaux, date de la seconde moitié du XIXème siècle, et lui aussi, il a été « vu » sans être contemplé, des décennies durant, par des générations de fidèles qui ont fréquenté ce lieu de culte aujourd’hui quasi abandonné.
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